Les sentiments

Une chiromancienne met à jour mon fantasme de pouvoir un jour vivre sans sentiment.

Ma main se pose sur un papier encré, puis sur une feuille blanche. L’empreinte est claire. Les lignes vont pouvoir être interprétées par la chiromancienne. Quelle surprise lorsqu’elle me signale un rêve caché au plus profond de moi-même et que j’ose à peine m’avouer, car je le trouve prétentieux : « Votre idéal serait de vous suffire à vous-même et de vivre sans sentiment ». Je lui réponds que ce serait vraiment génial. Elle est offusquée par ma réponse et me met en garde en me disant que ce n’est pas normal de vivre sans les sentiments, car ils sont nécessaires aux expériences et à l’évolution. Est-ce vraiment exact ?

Elle voit les sentiments comme des expressions naturelles, car elle ne connaît ni leurs lois, ni leur puissance.

Je la comprends, car les sentiments nourrissent la vie.

C’est une nourriture de la vie inconsciente. Les sentiments conditionnent l’esprit au lieu de le libérer. Ils font tellement partie de la vie inconsciente que personne n’en perçoit le danger.

D’où vient le sentiment ?

Il naît d’un manque de lumière. Il permet de vivre d’émotions qui retiennent dans les désirs.

Cela peut durer longtemps !

Aussi longtemps que la personne n’est pas prête à vivre d’intelligence.

Mon rêve caché n’est donc pas insensé.

Au contraire, car le sentiment est anti-intelligence.

Je réagis toujours avec des sentiments, même si je caresse le désir de ne plus en éprouver.

D’où, souvent, la disharmonie dans tes actions.

En plus, j’en éprouve une quantité énorme.

Plus leur quantité est grande, plus le contact avec l’esprit est absent. Un sentiment affaiblit toujours l’intelligence et empêche de voir à quel point il est possible d’en être asservi.

Quand il m’arrive de ne pas éprouver de sentiment vis-à-vis de quelque chose, je ne me sens pas comme tout le monde.

Et au lieu d’en être bien, tu cherches à en éprouver, donc à être mal par ignorance.

C’est vrai !

Lorsque tu n’éprouves pas de sentiment, c’est ton esprit qui te protège.

Mais ça m’inquiète.

Parce que tu ne te connais pas ta nature entière.

Les sentiments colorent la vie, lui ajoutent du piment, mais je continue à caresser le rêve d’en être libérée un jour. Le fait d’avoir appris qu’ils retardent mon évolution va peut-être m’aider.